Assis derrière son bureau, le président Ibrahima Seydou Ndaw. A sa droite avec collier Amadou Niang Fambaye. Courbé, Jaraf Diouf. Au fond, Aboubacry Kane. Assis face au Président Ndaw, le Président Senghor. Debout, les bras croisés, le président Mamadou Dia.

Qui est Mamadou Dia ?

Mamadou Dia est né le 18 juillet 1910 à Khombole, de l’union d’un Toucouleur originaire de Kanel, cheminot à Thiès puis policier à Khombole, et d’une sérère, originaire du Baol. Formé à l’école coranique puis à l’école régionale de Diourbel, il entre après la mort de son père, à l’école primaire supérieure Blanchot de Saint-Louis en 1924 tout en poursuivant ses études coraniques. Il passe le concours d’entrée de l’École normale William Ponty de Gorée (École normale fédérale de l’AOF). Admis en 1927, et reçu premier de l’AOF, il devient instituteur à Saint-Louis et Fissel, puis directeur de l’école régionale de Fatick en 1943. Il côtoie Joseph Mbaye, Fara Sow, Abdoulaye Sadji et Ousmane Socé Diop, connus à Blanchot. Les habitants de Fatick lui demandant d’être candidat à l’Assemblée du Conseil général, il adhère pourtant à la SFIO, qu’il ne juge pas assez socialiste. Parrainé par Léopold Sédar Senghor et par Ibrahima Seydou Ndaw, il est élu conseiller général en 1946. Fort de ses compétences et de grande personnalité, il a été le premier Premier ministre du Sénégal indépendant. Aujourd’hui encore, il est considéré comme l’un des bâtisseurs de la république du Sénégal.  Jusqu’à sa mort le 25 janvier 2009 à Dakar, il restera très présent dans le débat politique et économique de son pays.

Un homme d'honneur qui mérite la reconnaissance de la Nation

Au sein de la Fédération du Mali comme dans le cadre plus restreint de la République du Sénégal, Mamadou Dia été un travailleur fidèle aux idées de Senghor et infatigable. Au moment de désigner le président de la Fédération du Mali, au sortir de la réunion du 21 au 22 mai 1960, à Bamako, le Sénégal hérite finalement de la Présidence de la République fédérale, la Présidence de l’Assemblée et la Vice-présidence du Gouvernement fédéral. Le Soudan disposant pour sa part de la Présidence du Gouvernement fédéral et du ministère des Affaires Etrangères.

Le complot de 1962 et l’incarcération de Mamadou Dia

S’appuyant sur une révolution structurelle, la politique sénégalaise pilotée par Mamadou Dia pouvait s’attaquer solidement au démantèlement de l’économie de traite et œuvrer à l’avènement d’un développement autocentré et équitable éliminant les pratiques clientélistes et usuraires des « traitants » de la commercialisation arachidière agents des grandes firmes étrangères. Au bout de deux ans, avant que le système se généralise en franchissant le seuil de non-retour, les milieux mis en cause s’appliquèrent à faire tomber Mamadou Dia. Une triple coalition se noua entre les représentants des groupes économiques maitres des marchés de l’arachide, les grands marabouts et les politiciens traditionnels qui constituaient une bourgeoisie compradore.

Ce lobby hostile fait déposer une motion de censure contre le chef du gouvernement sans accepter le recours à l’arbitrage du parti. Ce piège malhonnêtement tendu et hypocritement monté a permis d’accuser ensuite Mamadou Dia tentative de « Coup d’État ». Le paradoxe dans cette machination politique, est que dans l’histoire politique on a toujours fait un coup d’état pour le pouvoir mais, jamais quand on a tous les pouvoirs. En effet, Mamadou Dia avait tous les pouvoirs en tant que Président du conseil du gouvernement dans un régime parlementaire, en plus il contrôlait majoritairement le parti unique. C’est pourquoi aussitôt après son éviction, ses tombeurs ont changé la constitution et instauré un régime présidentiel. Arrêté en Décembre 1962, il est condamné à la détention à perpétuité en 1963 à Kédougou jusqu’en 1974, date à laquelle il est gracié et libéré.

Le Président Dia, La prison de Kédougou et la rumeur

Le centre pénitentiaire de Kédougou est entré  dans l’histoire  du Sénégal pour avoir accueilli d’illustres prisonniers comme le président Mamadou Dia et ses co-détenus : Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Alioune Tall. . . mais aussi Dialo  Diop Blondin et ses camarades après l’incendie  du centre culturel français lors de la visite du président de la république française Georges Pompidou en 1971, à Dakar. On a eu beaucoup de versions sur le fondateur de cette prison. Nous sommes allés à la recherche de la  véritable histoire de ce lieu qui concentre les ‘’Nationalistes’’ du pays de la téranga au début de l’indépendance. La rumeur avait  toujours soutenu que la maison d’arrêt de Kédougou était l’œuvre du Président Mamadou Dia qui aurait eu ainsi l’idée d’y garder quelques marabouts et autres hommes politiques.  Vrai ou faux ? L a maison d’arrêt et de correction de Kédougou est encore  nichée en face de la gendarmerie de cette commune distante de 700 km de Dakar. C’était une prison  de haute sécurité divisée en quatre secteurs  et il n’y avait aucun contact entre les prisonniers. Un couloir séparait Mamadou Dia de ses camarades d’infortunes : l’architecture avait été refaite pour accueillir ces importantes personnalités. De loin, on apercevait  des poteaux entourés de grillages et autres barbelés. Baila Cissokho ancien régisseur de prison, qui, au moment de l’arrivée de Dia et ses co-détenus, était très jeune, témoigne : «ces détenus n’étaient pas n’importe qui, ils étaient accusés d’avoir tenté un coup d’état contre Senghor. Peut être qu’on craignait que des gens cherchent à les libérer et cette prison n’avait  pas les mêmes plans que Reubeus (ancien Haras de chevaux transformé en prison) reconstruit pour garder, en particulier, des détenus  de droit  commun. Il y avait tout autour des militaires qui étaient chargés de  la sécurité ». Mais, nous dit-on, ils étaient bien traité  et leur nourriture venait chaque vendredi de Dakar par avion, il y avait aussi l’électricité dans les logements et alentours, à travers deux groupes électrogènes. Après leur sortie on avait  trouvé  beaucoup d’arbres fruitiers qui  y  avaient été plantés par eux durant leur période carcérale.   En réalité  l’ancien ministre d’Etat chargé de l’urbanisme Mady Cissokho   avait fait construire   cette cité HLM pour permettre aux gens de Kédougou d’avoir des logis décents. Et c’est   lui qui aurait  aussi suggéré à Senghor d’y envoyer Dia et ses amis. Aujourd’hui la  Villa où était détenue Valdiodio Ndiaye  sert de bureau à l’administration pénitentiaire alors que celles de Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye, Alioune Tall sont occupés en partie par le chef  de la prison. Le reste des bâtiments est occupé par les prisonniers de droit commun. Le  bloc  occupé par le président Dia est complètement en ruine personne ne l’a jamais plus occupé ; des gravats obstruent la porte  d’entrée. Pour  l’histoire, l’ancien directeur de cabinet de Mamadou Dia, Roland Colin, a expliqué récemment sur RFI et dans un livre intitulé : Sénégal notre pirogue au Soleil de la liberté (Présence Africaine) comment les opposants au Président Dia avaient  réussi à faire tomber son gouvernement : « les opposants forment une coalition comprenant les firmes de commerces internationaux ; les grands marabouts et des membres de l’administration. L’objectif est de faire renverser le gouvernement avant la troisième année d’indépendance en déposant une motion de censure. Les ennemis de Dia intoxiquent Senghor en lui faisant croire que le socialisme de Dia mènera au communisme qu’on lui présente  comme une destruction pour l’Afrique. Progressivement Senghor va se laisser envahir par  ces idées. Le 17 décembre 1962 le plan ourdi contre Dia a été mis à exécution et après un procès express il avait  passé douze années de détention très dur au centre pénitencier de Kédougou. Il a tenu le choc moralement et spirituellement en la prenant comme une épreuve humaine  et métaphysique. Il a vécu dans une grande solitude et il ne pouvait recevoir de visite qu’une fois par trimestre». Au-delà du psycho- drame que de nombreux hommes politiques ont vécu à Kédougou, ce lieu a besoin d’être mieux connu pour permettre à nos hommes d’Etat mais aussi à nos intellectuels de savoir qu’il suffit d’une petite étincelle pour qu’un pays brule

Témoignages du Président Mamadou DIA sur Cheikh Ahmadou Bamba et le Magal (Magal du 04/09/1957).

Pour nous Sénégalais, pour nous nationalistes  sénégalais, le pèlerinage de Touba n’est pas, bien évidemment, ‘’une affaire politique électorale ‘’. Ce n’est pas non plus le simple accomplissement d’un rite ordinaire. Plus que tout cela, et au-delà de toutes les petites préoccupations immédiates, Touba est pour nous, à travers les années, et dans la longue marche que nous avons entreprise, une référence fondamentale. Car le mouridisme est une création originale, dont le fondateur est un ‘’Saint pas comme les autres’’. Ahmadou Bamba nous apparaît, avant tout, comme le marabout dont la vie, l’œuvre, la doctrine se sont définies en s’opposant, parfois durement, à toutes les influences estrangères et se sont exprimées dans une création toute nouvelle et purement africaine.

A ce titre l’héritage d’Ahmadou Bamba constitue à la fois un enrichissement inappréciable de notre patrimoine spirituel et une affirmation de cette autonomie culturelle qui est, tout autant que l’indépendance économique, une condition nécessaire du développement national. Lorsque je dis que toute la vie d’Ahmadou Bamba a été marquée par cette volonté de se définir par ses propres valeurs, et en s’opposant à toutes les influences, à toutes les pressions, je ne veux pas tout rappeler d’une histoire que chaque Sénégalais doit cependant connaitre. Et quel Sénégalais ignore les difficultés qu’a rencontrées Ahmadou Bamba, les persécutions mêmes qu’il a subies de la part des autorités administratives. A toutes les menaces, à toutes les pressions, Ahmadou Bamba a résisté, simplement, sans ostentation, mais sans défaillance, maintenant la pureté de sa doctrine et son indépendance à l’égard des pouvoirs  – cette indépendance à l’égard de César hors de laquelle aucune spiritualité ne peut s’épanouir.

Et la leçon d’Ahmadou Bamba ne s’arrête pas là. Car son attitude a porté ses fruits, que nous recueillons aujourd’hui. Son inflexibilité a  fini par forcer l’estime et l’admiration de tous, et d’abord de ceux –là mêmes qui l’avaient suspecté et poursuivi. C’est pourquoi nous voyons, à chaque pèlerinage, et cette année encore, le gouvernement de la République française, en la personne de ses plus hauts fonctionnaires, apporter au souvenir d’Ahmadou Bamba son hommage et l’expression de son respect.

Touba est donc bien pour nous le lieu où a triomphé l’esprit de résistance et la dignité sénégalaise. A qui serait tenté de l’oublier, Touba rappelle que l’estime, même celle des adversaires, se mérite. Elle ne vient pas récompenser la servilité ou l’acquiescement systématique. Elle reconnait la valeur de qui s’affirme dans l’opposition s’il le faut. Toute personnalité qui maintient son intégrité, obtient sa reconnaissance. La dignité, qu’elle soit d’un homme ou d’un peuple, se conquiert, mais ne s’achète pas.Touba l’œuvre d’Ahmadou Bamba, dans sa forme comme dans son fond du point de vue littéraire comme par son contenu Spirituel, est nourrie des mêmes valeurs et porte le même témoignage.  Cette œuvre affirme et chante la négritude. Elle l’a chantée en Afrique et pour les Africains, bien avant que nos intellectuels de culture française l’aient retrouvée par le long détour des humanités occidentales et du retour au pays natal. Nègre, son œuvre l’est dans sa technique de la poésie, dans sa versification originale. Elle l’est dans son poème imagé, coloré, rythmé, qui rompt spontanément  avec toutes les techniques étrangères, qu’elles soient de l’Occident ou de l’Orient, de l’Europe ou de l’Arabie. Elle est déjà, par cela seulement un de nos premiers monuments littéraires, un des fondements de notre littérature nationale.

Et cette œuvre, si riche formellement, vaut encore plus par la doctrine qu’elle apporte. Car le mouridisme a repensé complètement l’Islam, dans le respect de l’orthodoxie, et selon le génie de notre peuple. Par cet effort doctrinal, l’Islam au Sénégal a cessé d’être une religion « importée » pour devenir nue religion vraiment nationale incarnée au plus profond de nous-mêmes.

Pour toutes ces raisons que j’ai dites à Touba jeudi dernier, pour tous ces apports constitutifs de notre personnalité sénégalaise, nous considérons Ahmadou Bamba comme une des valeurs essentielles du nationalisme africain, et le mouridisme comme un élément fondamental de notre patrimoine culturel. C’est pourquoi le  pèlerinage de Touba est notre pèlerinage, à nous nationalistes sénégalais, et tel est le sens du témoignage que nous rendons lorsque nous participons à ce grand rassemblement et à cet acte de foi sénégalais.

(Mamadou DIA,

Septembre 1957)

Le Mouvement pour le Socialisme et l'Unité

Notre Mission

Notre Vision

Nos Valeurs

Témoignage sur le Président Mamadou Dia

La liste des Coordannateurs Nationaux du MSU

Mamadou Dia

Mody Diagne

Babacar Sané

Mamadou Bamba Ndiaye

Tidiane Ba

Massène Niang

Djibril Seck